• Chapitre un : Le dernier mensonge de Léon

    C'est l'histoire d'un petit garçon qui parfois mentait et qui parfois volait.

    Chapitre un : 
    @Cartier Bresson

      Son nom était Léon, il avait huit ans. Oh non, je vous arrête tout de suite. Ce n'était pas un méchant garçon. Non, au contraire, il était gentil et sensible.

    Mais son histoire, sans rentrer dans des détails inintéressants, était un peu compliquée, trop compliquée pour lui en tout cas. Alors mentir et désirer prendre ce que les autres avaient était devenu une habitude, vilaine certes, mais une habitude et il imaginait difficilement la peine que cela pouvait créer autour de lui.

    Nous voilà donc arrivés au début de notre histoire.

    Un jour, au début de notre histoire donc et peu importe quel jour en fait, Léon avait volé le jeu d'un de ses amis à l'école et il gardait ce trésor au fond de son cartable, partagé entre l'excitation du vol, la joie d'avoir ce nouveau jeu, la peur de se faire prendre et la culpabilité que son geste faisait naître en lui. Pour se rassurer, il se disait qu'il le rendrait discrètement le lendemain, après avoir pu jouer un peu avec.

    Sur le chemin de la maison, le jeune garçon pensait à ce nouveau trésor qui reposait dans le cartable qu'il portait sur son dos. Ce fardeau lui paraissait bien léger. Seulement, les choses ne se passèrent pas exactement comme il l'avait prévu et le fardeau devint beaucoup plus lourd, mais n'anticipons pas.

    Il faut préciser avant d'aller plus loin dans le récit que la mère de Léon était une femme gentille, à la fois fantasque et sérieuse (si cette combinaison est possible) mais qui avait une tendance à tout dramatiser.
    Or à peine la porte de la maison refermée, Léon qui, comme beaucoup de garçons de son âge, avait toujours ses lacets défaits, se prit les pieds dans ses lacets et se ramassa de tout son long. La malchance s'acharnant, son sac se renversa et le trésor glissa sur le sol pour s'arrêter aux pieds de sa maman. Le cœur de Léon manqua de s'arrêter lui aussi.

    Sa mère se baissa et ramassa l'objet qu'elle observa longtemps avant de lever son regard en point d'interrogation vers son fils.

    -          Qu'est-ce que ce jeu mon fils ?

    -          Rien, seulement un jeu qu'un copain m'a prêté.

     

    La mère de Léon, qui était pourtant très naïve et crédule, savait que son fils mentait souvent sans réussir à s'y résoudre pour autant. Elle était comme l'aiguille de la balance qui n'arrive pas à s'arrêter sur une position ferme : fallait-il considérer son fils comme un voleur ou pas? L'interrogatoire commença donc.

    -          Et comment s'appelle cet ami ?

    -          C'est Oscar.

    -          Ah oui, Oscar! Et donc, il t'a prêté ce magnifique robot?

    Sentant ce regard maternel qui ne le lâchait pas, Léon eut son esprit qui commença à s'échauffer, les idées à fuser dans tous les sens.

    -          Je croyais pourtant que les jeux étaient interdits à l'école.

    Il n'aimait pas ce « pourtant » mais alors pas du tout du tout. Il vit bien que sa mère avait ce jour-là un regard particulièrement fatigué. De ses mensonges? Il balaya cette idée d'un nouveau mensonge: le cycle infernal avait débuté, son imagination folle inventait et prenait les commandes.

    -          Oui, mais aujourd'hui c'était une journée spéciale.

    -          Une journée spéciale? Avant de continuer mon fils, je veux que tu me promettes de me dire la vérité.

    Bien sûr qu'il mentait !

    Mais il n'avait pas le cœur à faire mal à sa maman en lui avouant qu'il avait volé son ami Oscar. Il préférait lui mentir plutôt que de lui faire cette peine. Mieux valait être menteur que voleur aux yeux de sa maman qu'il aimait, même si du coup il était les deux. Ce ne serait qu'un mensonge et le dernier avant de rendre demain ce foutu jouet dont il regrettait déjà de s'être emparé. Oui, et ce serait le dernier vol aussi. Il le sentait.

    -          Je te dis cela Léon parce que tu as trop menti et je ne pourrais plus supporter un mensonge de plus.

    -          Non mais je te jure maman, c'était une journée spéciale. Chacun devait apporter un jouet à l'école et l'échanger avec un copain ou une copine. Moi, j'ai échangé avec Oscar un sac de billes contre ce robot Flexor. Et demain on reprend tous nos jouets. C'est un truc de maîtres et des maîtresses pour nous apprendre à prêter nos affaires. Ils ont souvent ces idées farfelues pour nous apprendre des leçons de vie, comme ils disent.

    Léon voyait bien que sa maman luttait silencieusement pour savoir si elle devait croire ou pas les paroles de son coquin de fils. Elle aurait parfois voulu que comme dans Pinocchio, elle puisse avoir un signe évident. Mais le nez de Léon ne poussait pas, même lorsqu'il mentait sans vergogne. 

    -          Je vais appeler la maman d'Oscar pour savoir si tout cela est vrai.

    -          Euh... Tu ne devrais pas, parce que c'est pas le moment de les déranger.

    -          Que veux-tu dire ?

    -          Que ses parents sont en train de se séparer et la mère d'Oscar pleure comme une madeleine tout le temps et puis du coup elle ne sera certainement pas au courant de cette histoire d'échange, elle a autre chose à penser comme toi quand vous vous êtes quittés avec papa.


    Là, la mère de Léon aurait presque vu le nez de son fils pousser. Elle prit nerveusement son téléphone avec les yeux humides et appela la mère d'Oscar.

    La conversation qui suivit enleva pour quelques temps le sourire sur le visage de Léon.

    Après avoir salué poliment la mère d'Oscar, sa mère ouvrit la bouche dans le but de la questionner sur ce robot mais elle resta ainsi sans qu'aucun son ne sorte. Elle écoutait une femme à l'autre bout du fil, une femme éplorée, effondrée. Léon entendait ses larmes de là où il était. On aurait pu presque voir une fontaine de larmes sortir du téléphone tellement cette conversation dura une éternité. Quand elle raccrocha, sa mère regarda Léon avec une tristesse infinie.

    -          Désolée de ne pas t'avoir crue. Oui, elle vient bien de se séparer et elle est en effet très triste. Mais si elle pleurait autant au téléphone, c'est pour une raison bien plus grave : Oscar s'est cassé la figure sur tes billes et il se trouve à l'hôpital avec un grave traumatisme crânien. Il est dans le coma et on ne sait pas quand il se réveillera. C'est terrible, mon chéri.

    Elle prit Léon dans ses bras et le serra contre elle, comme si elle avait peur que ce coma emporte aussi son fils qu'elle aimait beaucoup en dépit de ses mensonges. Léon enfouit son visage dans le ventre de sa mère et mêlait ses larmes aux siennes. Il pleurait parce qu'il était triste pour Oscar. Mais ses larmes avaient une autre saveur, plus âcre : il était non seulement le responsable de cette catastrophe mais désormais, même s'il disait la vérité, plus personne ne le croirait puisque son mensonge était devenu la vérité. Léon était devenu prisonnier de son mensonge.

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