• Chapitre trois : Jamais deux sans...

    Le ciel s'assombrit peu à peu, avec des nuages noirs et menaçants avançant à une vitesse qui ne semblait en rien naturelle.

    Chapitre 3 : L'arche de Léon
    @ Cartier Bresson

    Sa mère ne s’aperçut de rien car les nuages lui arrivaient de dos et elle continuait à regarder son fils avec une moue dubitative. Son gamin avait bien trop d’imagination, il fallait qu’elle y fasse plus attention à l’avenir et puis cette manie de raconter des histoires était agaçante à la fin.

    Elle était prise dans ses pensées de mère inquiète et elle ne vit pas que les gens commençaient à courir dans la rue.

    Quelques cris de panique fusaient que Léon, tétanisé, entendait à peine. Il leva lentement le doigt pour indiquer le ciel : sa mère pivota légèrement. Elle écarquilla les yeux et ouvrit la bouche en même temps dans une sorte de ralenti. Lorsqu’elle se retourna vers son fils c’est un tout autre regard qu’elle lui lança et qui silencieusement lui ordonnait: « Il y a un truc que tu vas devoir me dire, mon p’tit bouchon ! »

    Heureusement cette femme avait le sens des priorités: elle attrapa fermement Léon par le poignet et l’entraîna en courant. Direction la maison. Jamais de sa vie, il n’avait couru aussi vite, il flottait plus qu’il ne courrait, tiré par sa mère qui avait parfaitement compris le danger.

    Le déluge commença à s’abattre sur la ville avant qu’ils ne rejoignent leur appartement. Il tombait des trombes d’eau dans un bruit assourdissant et le ciel était tellement sombre qu’on se serait cru en pleine nuit. Le vent soufflait avec une rare violence, faisant s’agiter dangereusement les échafaudages près desquels ils passaient. Il entendit un énorme bruit derrière eux, métallique. Quelque chose tombait mais il n’eut pas le temps ni le courage de se retourner. Les égouts furent très vite saturés et le niveau de l’eau montait, inquiétant. Les voitures dérivaient sur la chaussée, abandonnées par leurs conducteurs.

    Les passants essayaient de se mettre à l’abri mais n’avançaient maintenant que difficilement tant les rues se transformaient en torrents à vue d’œil. On sentait le désarroi à ne pas savoir quelle décision prendre car il était maintenant clair pour tout le monde qu’il ne s’agissait pas d’une grosse averse pour laquelle on aurait pu se réfugier sous un auvent mais de ce qu’ils appelaient aux informations que Léon adorait regarder : une catastrophe naturelle.

    Sauf que Léon, transi d’effroi, savait bien qu’il y avait en effet une catastrophe mais qu’elle n’était pas tout à fait naturelle. Non, il savait que des forces maléfiques agissaient en ce moment, forces déclenchées par un vaurien de huit ans. Lui.

    Ils avaient de l’eau jusqu’aux genoux lorsqu’ils arrivèrent au pied de leur immeuble, épuisés par les efforts qu’il avait fallu fournir pour l'atteindre. Après de nombreuses tentatives infructueuses, ils parvinrent à débloquer la porte de l’immeuble, aidés en cela par des personnes bloqués comme eux dehors. L’eau s’engouffra avec violence à l’intérieur de l’immeuble avant qu’ils ne puissent entrer à leur tour. Beaucoup de ceux qui étaient coincés dehors leur emboîtèrent le pas. Arrivés au premier étage, ils commencèrent tous à souffler un peu. Personne ne parlait, comme sonné, vidé. Ils étaient tous trempés jusqu’aux os.

    Sa mère proposa l’abri à ces gens qui se trouvaient là, dans l'incapacité d'aller plus loin. Léon s'agrippait encore à sa main, effrayé à l'idée de la perdre. Des portes s'ouvrirent sur le chemin vers leur appartement et des voisins offraient également l'hospitalité à ces rescapés.

    Quand ils arrivèrent devant leur porte, il n'y avait plus que trois personnes avec eux. Léon les regarda pour la première fois pendant que sa mère cherchait la clef dans son sac trempé. Avec stupeur, il aperçut Sophia avec son petit frère et leur père. Elle le regarda fixement, sans un sourire. Elle avait perdu ses lunettes dans la bataille. Elle était jolie quand même.

    Une fois entrés, sa mère distribua des serviettes de toilettes à tout le monde, ainsi que des habits de rechange. La famille de Sophia prit possession de la chambre de Léon pour se changer.

    Sans lui adresser un mot, la mère de Léon le laissa seul et disparut dans la salle de bain. Il entendait qu’elle se séchait et s’habillait avec des habits secs dont le froissement des tissus lui parvenait.

    Resté seul, il se regarda dans le miroir qui trônait sur le guéridon de l'entrée. Il s'adressa à celui qu'il ne connaissait pas et qui donnait corps ses mensonges.

    • Moi, Léon, par mes vols, mes mensonges et ma lâcheté, je suis en train de détruire le monde. Mais toi, avec ces fléaux qui s'abattent autour de moi, tu dérailles. C'est pas juste ! Si je dois être puni, que je le sois... mais pas les autres!

    Sa mère revint vers lui. Il pleurait. Il se serra, frottant sa tête nerveusement contre son ventre. Elle lui caressa tendrement les cheveux pour l'apaiser puis s’agenouilla :

    • Léon, il se passe quelque chose d’anormal, on est d’accord ?

    Léon acquiesça en silence, sans oser la regarder dans les yeux. Il avait tellement honte et tellement peur.

    Elle se releva et souleva le rideau pour voir au-dehors. Elle voulait cacher sa propre terreur mais il voyait bien qu’elle paniquait. Il s’approcha d’elle et regarda dehors avec elle. L’eau montait encore.

    • Je ne sais pas ce qu’on va faire, mais il faut arrêter ce désastre.

     

    C'est à cet instant-là que Sophia entra dans la pièce.

     

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